Le métro ? A 2h10 du matin, il n’y a plus le métro. Le Bus donc. Les autres m’ont laissée à moi-même, grisée par l’air de la nuit et la marche ; la galère du retour post dernier métro les a désistés de leur sens de la courtoisie. Je cheminerai donc toute seule jusqu’à ***...
Rentrer seule chez soi... Refuser une alternative douteuse et prometteuse d’un réveil incertain... Se sortir du train-train sans le train. Trainer, arpenter les rues de Paris, longer les mêmes quais, s’arrêter aux mêmes spots, toujours revisiter les mêmes endroits. Familiariser la ville, ou se familiariser à elle ? Se l’approprier ou se faire approprier ? Toutes ces heures improbables où je me traîne de lieu en lieu, où je plane, ayant renoncé au temps (temporellement) me remplissent de bonheur et d’une liberté sans lendemain. Mais il faut donner sa part aux choses, et faire la part des choses…
Je n’ai pas froid, malgré le vent furieux. Des rafales m’assiègent inlassablement tandis que les boîtes en carton rampent et voltigent à mes pieds. Mes talons branlants claquent et rythment ma marche solitaire. Métronomes faillibles, ils se prennent des ordures dans les pieds, trébuchent sur le pavé et raclent le goudron. A des moments, je me sens complètement seule dans l’espace que je gravis, pas après pas ; et soudain, le cliquetis d’un gobelet en plastique qui grille un feu rouge.
J’aperçois les premières maisons de la cité *** ; la mienne est encore loin. Je n’ai pas de doute que j’arriverai à destination. Peut-être est-ce dû au vent intermittent, qui rend le corps plus lourd mais le cœur plus léger. Un sac noir en plastique se gonfle, prend son essor et voltige héroïquement par-dessus le trottoir, avant de se prendre la figure dans un réverbère qui le remet à sa taille. Mes jambes n’en peuvent plus, mais tout est mouillé et ma robe est perméable… Le vent fouette mes cheveux dont les mèches obstruent ma vision, tourne les pages de mon carnet.
Ecrire et dessiner… à ces moments, il n’y a que ça qui fait le lien entre le monde et moi.
M.M